Écrit par le Doyen Guy LAZORTHES, membre de l'Académie de Médecine et de l'Académie des Sciences


Toulouse qui était déjà une ville sous les Romains fut réputée, dès le 1er siècle, pour ses écoles et son intellectualité. On l'appelait Palladrienne pour signifier qu'elle était inspirée par Pallas, déesse des lettres et des Arts...

Dès le XIIIè siècle, le traité de Meaux (avril 1229) attribua à Toulouse, après Paris et Montpellier, un enseignement officiel de la Médecine. Aux XIVè et XVè siècle il y eut une Faculté de Médecine confondue avec celle des Arts.

Le XVIè siècle fut un véritable âge d'or pour Toulouse. Elle devint au sens propre et original du mot, le "pays de Cocagne" grâce aux coques de pastel produites dans les campagnes et exportées. Les plus beaux hôtels tel l'hôtel d'Assezat, furent construits alors. L'université brillait d'un vif éclat. Des maîtres prestigieux attiraient de nombreux étudiants. Parmi les médecins : Augier-Ferrier écrivit un ouvrage consacré à la peste. François Sanchez " le Sceptique "... pratiquait le doute, inspiré par le "que sais-je" de Montaigne qu'il visita à Bordeaux.
 

Alors courait le dicton : "Paris pour voir, Lyon pour avoir, Bordeaux pour dispendre , Toulouse pour apprendre". François Rabelais (1494-1553) rappelle son passage à Toulouse en ces termes : "Pantagruel vint à Toulouse où il apprit fort bien à danser et à jouer de l'épée à deux mains, comme c'est l'usage chez les écoliers de cette Université ; mais il n'y demeura guère quand il vit qu'ils faisaient brûler leurs régents (professeurs) tous vifs comme des harengs saurs". Il préféra s'inscrire à Montpellier où les moeurs étaient " plus douces ".

Au XVIIè siècle, Toulouse fut au contraire en pleine déficience économique et luttes religieuses et survinrent des inondations et la peste. On dû aménager et agrandir des hôpitaux : Hôpital Saint Joseph de la Grave et l'Hôtel - Dieu Saint-Jacques. La Faculté de Médecine et le Collège de Chirurgie existaient séparément comme ailleurs. Les médecins réputés à cette époque étaient Pons-François Purpan qui publia un code des médicaments; François Bayle qui supposa le concept de la sécrétion interne...

Au XVIIIè siècle, lors de la Révolution, l'Assemblée Constituante (1789-1791) et la Convention Nationale (1792-1795) supprimèrent toutes les corporations susceptibles d'exprimer une opinion, et par là toutes les institutions et établissements d'enseignement, facultés et écoles de médecine comprises.

 

Chacun pouvait exercer la profession qu'il souhaitait. L'état sanitaire de la France en souffrit. Sous le Consulat, le 18 février 1801, des écoles de médecine furent créées dans 15 villes dont Toulouse. Les diplômes de médecin et de chirurgien furent enfin confondus. On retient les noms de Jean Astruc, de Jean-Batiste Gardeil et des Larrey : Alexis (anatomiste et chirurgien) et son neveu Dominique qui deviendra chirurgien de l' armée impériale.

Au XIXè siècle, sous la Restauration, on négligea de rétablir à Toulouse la faculté de médecine alors que d'autres le furent ; elle resta école de médecine. Elle eut des maîtres notables : Philippe Pinel et Dominique Esquirol (psychiatres qui enlevèrent les chaînes aux aliénés ), Georges Dieulafoy (chirurgien), ils finirent leurs carrières à Paris. L'université s'installa au centre de la ville, dans ce qu'on pouvait appeler le "quartier latin" de Toulouse dominé par les clochers des Jacobins, des Cordeliers, du Taur et de Saint-Sernin.

Elle tenait ses séances dans le cloître des Jacobins. Les locaux de l'Ecole de Médecine étaient encore rue des Lois (carrière de la Leys). On a conservé le fronton de marbre noir où est inscrit : "Schola facultatis médicinae". A la fin du XIXè siècle, les facultés de Droit et de Lettres restèrent au centre de la ville. La Faculté de Médecine et de Pharmacie d'abord, la Faculté des Sciences ensuite émigrèrent dans des bâtiments neufs situés près du Jardin des Plantes, allées Jules Guesde. Le 8 avril 1891 eut lieu une séance solennelle pour fêter l'élévation au rang de faculté de l'école de médecine et de pharmacie.

Le Président de la République, Sadi Carno, vint inaugurer les nouveaux bâtiments. Parmi les discours fut celui de Jean Jaurès, adjoint au maire et professeur à la faculté des lettres. Le premier Doyen de la Faculté fut le professeur Caubet. Parmi les professeurs, les plus réputés étaient Charpy (anatomiste), Tourneux (histologiste), Caubet (médecin), Jeannel (chirurgien).

Au XXè siècle, Toulouse s'est absolument transformée. Depuis la guerre 39-45, la population augmente de 10 000 habitants par an, ce qui contraste avec la stagnation antérieure. Le nombre des étudiants n'a cessé de croître. En médecine, à l'hôpital comme à la faculté, il n'y a pas eu d'initiatives durant les années 50 ! Les locaux universitaires ne correspondaient plus aux besoins en amphithéâtres, en salles de travaux pratiques et en laboratoires. Les étudiants depuis 1950 sont passés en médecine de 930 à 5200, en pharmacie de 310 à 1170, en dentaire de 280 à 560.
 
Les hôpitaux :
  • Hôtel-Dieu
  • Hôpital de la Grave
  • Hôpital de Purpan
Sont rénovés et humanisés par la suppression des salles communes. Ils étaient insuffisants en raison de l'augmentation de la population de la ville et de la région et aussi du développement de la spécialisation et de la technicité médicale. Les difficultés furent de plus accrues par l'installation à partir de 1958-60 de la réforme hospitalo-universitaire Robert Debré qui instituait la double appartenance hospitalière et universitaire "le plein temps" pour tous les professeurs et les assistants et par la conséquence la fréquentation des hôpitaux par toutes les classes de la société. Dans la faculté et dans les hôpitaux, il fallait agrandir et adapter. On dépensa des sommes considérables pour des résultats peu satisfaisants. Des préfabriqués occupèrent les cours des facultés de médecine et de pharmacie. A l'hôpital de Purpan, on s'entassa dans des pavillons construits souvent en préfabriqués, aux dépens du magnifique parc.

Doyen de la Faculté de Médecine et Pharmacie, je fis dès 1959 un rapport lourd de précisions et d'exigences puisque je demandais la construction d'une nouvelle Faculté et d'un nouvel Hôpital. Je portais ce rapport au Ministre de l'Education Nationale et au Ministre de la Santé après l'avoir fait approuver par le Conseil de Faculté et présenté au Conseil d'Administration des Hôpitaux dont le Doyen faisait partie es qualité après la création des CHU par la réforme Debré. Dans les années qui suivirent, nombreuses furent les démarches, visites et rapports, et sont venues à Toulouse sept délégations ministérielles pour inspecter. La faculté fut obtenue et ouverte en 1968.


Où aurait-on casé les étudiants si on était resté aux allées Jules Guesde ?


L'obtention de l'Hôpital fut plus laborieuse; il fallut plus de dix années. J'en ai écrit le détail dans "Mes carnets".

On disait, à Toulouse, Purpan ou Rangueil ? Et je répondais Purpan et Rangueil. La première pierre de l'Hôpital a été posée en 1970, l'ouverture et l'inauguration le 24 octobre 1975 par Madame Simone Veil, alors Ministre de la santé. Dans le même temps à l'Hôpital de Purpan, sur mon incitation et celle de Léon ECKKOUTTE(1), on a construit les pavillons Dieulafoy et Riser.

J'ai demandé à l'architecte officiel de Rangueil nommé par Paris, Mr Noël le MARESQUIER de revêtir les pavillons de briques roses, couleur traditionnelle de notre ville, et non blancs comme ceux qu'il construisait à Limoges et à Nancy.

J'ai proposé le nom de "Rangueil", nom du quartier, et non comme cela fut d'abord : "Bellevue" (nom du lycée voisin) ou "Pouvourville" (nom du village voisin). Rappelons que Purpan et Larrey sont les noms de médecins toulousains.

L'application de la réforme universitaire, qui suivit l'agitation de 1968, provoqua la division de la faculté de médecine et pharmacie de Toulouse en cinq parties :
  • faculté de médecine Toulouse-Rangueil
  • faculté de médecine Toulouse-Purpan
  • faculté de pharmacie
  • faculté de chirurgie dentaire
  • école de masso-kinésithérapie.

De 1968 à 1970, des discussions se prolongèrent en raison de mon opposition à la constitution à Toulouse de trois universités, alors que j'en souhaitais quatre. La faculté des lettres devint l'université du Mirail. La faculté de droit devint l'université des sciences sociales. Les facultés des sciences et de médecine-pharmacie-dentaire devinrent l'université Paul Sabatier.

(1)Léon Eckkoutte, Sénateur, Président du Conseil d'Administration des Hôpitaux.